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Emmanuel Bour, figures hybrides  

 
Facing the darkness



D’un réalisme appuyé, ses figures ont la force d’un métissage réussi entre l'art statuaire occidental, l’inspiration rituelle tribale et l’esthétique futuriste.

Leur puissance évocatrice provient de la force de vie qu’elles recèlent en elles. Emmanuel Bour sculpte : « l'humain et ses stratégies de survie, ses quêtes, ses obsessions, ses angoisses, ses joies, ses vulnérabilités, toutes différentes selon l'endroit où il naît, où il vit, selon sa condition sociale et ethnique. » l’élan vital créé des résonnances. Une esthétique onirique surgit portée par cette réflexion sur les codes et les appartenances.
Les sculptures en bois de peuplier sont réalisées en taille directe, sans dessin, modèle ou modelage. Quelques ajouts d’objets, de patines à base de suie, de terre, de cires peuvent s’ajouter mais restituent systématiquement la perception du bois originel.

Porté par la densité du matériau, le réalisme anatomique s’appuie sur des proportions équilibrées et minimalistes des lignes ; une pureté originelle des formes à la simplicité rigoureuse qui soutient des volumes soigneusement polis. Le sculpteur concentre son attention sur les bustes et les visages des figures masculines ou féminines. En choisissant une telle composition, il s’inscrit dans une tradition sculpturale établie. Le visage est parfaitement défini mais les yeux sont souvent clos et renforcent la sérénité du faciès.
« Les yeux fermés permettent au regardeur d’entrer, d’intérioriser et de s’approprier la pensée de l’œuvre. »
Les modèles sont figés dans la plénitude de la vie. Et l’éclat dormant de leur contemplation exprime leur âme.

Derrière cette apparente volonté d’effacement, l’expression du sujet transparaît et devient accessible. Nous sommes tentés de prêter à ces présences une personnalité. Si l’expression concentrée et intérieure de leur visage a le pouvoir de suggérer plus que de montrer, elle créée un certain questionnement en renforçant son caractère hiératique et mystérieux. Leur froideur apparente toujours équilibrée par un rendu très sensuel des chairs dévoile les indices d’un caractère qui semble bien refléter des préoccupations spirituelles.

Les figures se distinguent aussi par leurs étranges coiffes, géométriques, enroulées et irrégulières où souvent se rappelle le matériau brut, l’arbre. Leur mouvement dans la matière laisse une impression d’inachevé. Il pourrait s’agir d’une résille ornementale posée sur les cheveux. « Chacune des sculptures fabrique sa propre magie, ses amulettes, ses charmes et se revêt d’enveloppes protectrices symboliques. »
D’autres crânes rasés confèrent une force animale et presque robotique à la fois tribale et cybernétique. « Back to the future. » L’artiste dépasse les constructions narratives et bouscule le préjugé d’immuabilité. Le futur n’est-il pas une zone d’investissement privilégiée pour revisiter les codes à l’infini ? Chez Emmanuel il y a indéniablement cette volonté de comprendre le monde, le désir d’injecter une dose d’innovation et de dessiner des futurs possibles.

Son intervention le mène vers la découverte, l’inattendu, une suite de circonstances fortuites qui le dévie de sa recherche initiale. Il saisit une présence qui sans cesse lui échappe. Par sa spontanéité, guidé par le principe de sérendipité, il préserve l’aléatoire tout en conduisant son geste afin de trouver autre chose que ce qu’il cherchait.

Son travail est un espace de questionnement authentique dans le temps qui solidifie des individualités singulières à l’essence humaine et surnaturelle. L’évidente présence-absence de l’expressivité de la figure hybride, sa force émotionnelle certaine couplée à la sensation brute, confronte le familier et l’inconnu avec grâce et incarnation.