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HOOPKA, éruption chromatique


 
Pompei, bleu antique, 2017, 
acrylique sur panneau de bois découpé, 90 x 160 cm

Il transcende son œuvre picturale par le surgissement cohérent du support et de la surface, l’alliance du fond et de la forme. Sa peinture-objet, constituée d’un panneau de bois découpé selon son propre dessin, sort du cadre imposé des toiles sur châssis et participe à une œuvre d’art globale qui trouble la perception.

L’œuvre « Pompei, bleu antique » procède de cette volonté d’interpréter sous une forme esthétique un événement tragique : l’éruption du Vésuve et l’ensevelissement de Pompéi dans l’Antiquité. Un lieu où les restes de la catastrophe alimentent encore les imaginaires les plus inattendus.
« Je suis allé dans la baie de Naples au printemps il y a deux ans, j’ai découvert ce site magnifique, la teinte du ciel et de la mer. Difficile d’imaginer que ce fût l’enfer et que tant de personnes y ont péri (…) C’est la nature dans ce qu’elle a de plus beau et de plus terrible. La confrontation de couleurs dantesques ; du bleu turquoise au rouge vif, de l’orange au noir profond… »

L’œuvre est construite pour provoquer une rencontre, celle de l’univers de l’artiste, avec l’imaginaire du public, autour de cet événement identifié. Recomposé, absorbé dans son magma créatif, le tableau transforme son énergie en un générateur d’anecdotes poétiques, potentiellement apte à faire chanceler le réel.
« C’est une évocation, pas une figuration. »
Le dispositif s’échafaude par des fragments courbés, des aplats colorés laissant le récit se configurer pour déclencher l’image.
« La forme provient d’un casque de soldat, j’y ai appliqué une teinte bleu méditerranée que j’ai dégradé de l’extérieur vers l’intérieur en faisant disparaître peu à peu la couleur jusqu’à parvenir à un noir mat « calciné », et une teinte lave orangée, dégradée elle aussi, le tout avec un sens de perspective attirant le regard vers le centre et le fond. »

L’image devient volume, la peinture, objet. L’artiste s’attaque à la frontière entre les arts. Il brise la rivalité entre la peinture, la sculpture et l’architecture ; entre la sensibilité rétinienne d’un peintre et la perception spatiale d’un sculpteur. Il s’agit d’une intervention artistique globale où la forme s’harmonise avec le fond par une subtile mutation de la perception.

Le dispositif graphique et sculptural autorise la manipulation de la peinture comme support et comme surface dans une folle danse chromatique. A l’issue d’une préparation à l’enduit de colle et à des couches de Gesso, le motif est tracé sur le panneau de bois découpé, d’après un dessin préparatoire. Un ponçage minutieux ayant assuré la parfaite planéité de la surface, l’application de l’acrylique laisse apparaître ensuite de très fines stries de peinture, que l’artiste étire dans le sens qui convient au dessin.

Les jeux de perspectives obéissent à une logique de ligne claire. Cette physicalité picturale mise sur l’interaction du cycle et de la ligne. Hoopka ne renie pas ses attirances visuelles qui relevaient à l’origine de l’abstraction de Sonia Delaunay, d’Auguste Herbin ou de César Domela, et qui trouvent aujourd’hui leur résonnance dans l’art urbain auprès d’artistes tels que Okuda San Miguel, Tony « Rubin » Sjöman, Jan Kalab, ou encore Romain Froquet.

Aussi volontaire que signifiant, son procédé de création s’accommode peu du hasard. La définition préalable du motif, la règle, le compas, le logiciel vectoriel, les pochoirs et autres instruments dédiés au tracé, comme la mise en couleur parfaitement délimitée par des contours dictés, restreignent la place de l’aléatoire.

La précision du trait et de la finition, la pureté des formes, l’harmonie performative des couleurs, l’imaginaire et l’insolite participent à cet art transversal qui trouve ses affinités dans l’abstraction géométrique, l’art optique ou encore l’art urbain. Il investit un territoire réel mais aussi émotionnel en posant inévitablement la question du statut de l’œuvre et de sa réception. L’art de Hoopka démocratise l’environnement visuel, autoritaire et aliénant. Il réintroduit un dispositif libre en nous invitant à désamorcer les automatismes ancrés de notre culture picturale.