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Stankova Lilyana / Lysanto, l’esthétique du « déjà-vu »


chute libre, assemblage de papier, papier calque (en suspension, 25 x 25 cm, 2013


« Mémoriser, inscrire et reconstruire en nous nos vécus. Nous percevons à travers le souvenir de nos souvenirs... Les strates se superposent, se combinent, s'entrelacent pour former un assemblage unique et singulier qui contribue à créer nos mondes. »

Stankova Lilyana creuse le sens enfoui du souvenir. Elle conçoit une poétique en nous aidant à reconstituer l’indicible de nos refuges mémoriels et nous émancipant des oppositions qui distinguent réel et approximation, déconstruction et représentation, raisonnement et fiction. Son œuvre est un réceptacle propice à la disparition comme à l’apparition. Elle se sert de cette instabilité pour reformuler avec style les bribes d’une réminiscence, d’un événement passé.

Le procédé pictural repose sur des pigments minéraux mélangés à un liant acrylique. Afin d’approfondir le relief, les couches travaillées en glacis et en lavis se superposent en intégrant différents matériaux comme le papier de soie, tel un calque délicatement déposé sur le réel, tel un marquage qui voile en révélant.
« C’est une recherche d’équilibres de formes et de couleurs, de gestes et de signes. Je crée un espace ambigu et complexe fait de textures et de couches en transparence. »
L’artiste nous plonge dans une rêverie ouatée où l’imaginaire arrive par surprise. Un clignement de paupière et l’artiste nous précipite. Nous franchissons le pas, un saut de l’ange nous transporte vertigineusement vers une immersion enveloppante, au cœur de son propre inconscient.
« J’interroge l’incertitude de l’être, l’oubli, la perte et la retrouvaille de nous-même (…) Nos paysages intérieurs sont les images d’un monde que l’on porte en soi et que la réalité extérieure révèle. »

Dans cette errance magnétique, l’univers aquatique, les éléments de la nature, l’arbre, la figure d’un homme ou d’une femme sont autant de traces qui jaillissent de sa mémoire.
Son intérêt se porte sur l’idée de suspension, sur le rapport trouble qui s’établit entre la présence et l’effacement du sujet. Stankova Lilyana choisit de capturer, de figer pour ne pas oublier.
« Le temps est le seul paramètre de vie qu’on ne peut pas modifié (…) Peindre me permet d’arrêter le temps (…) La peinture saisit un aspect différent de la réalité et représente une expérience remémorée avec force et expressivité. » 

L'aurore, technique mixte sur toile, 130 x 89 cm, 2016


L’atmosphère est finement mélancolique. Le moindre mètre carré de terre, de ciel, de mer entretient le fantasme, la révélation, le détail, un fragment prélevé, un nouveau secret créant une pièce à conviction, une preuve de ce que pourrait être un monde parallèle. L’aurore réveillant une colline lointaine, des empreintes dans le sable, une forêt spectrale, la jupe flottante d’une jeune femme de dos, les yeux perçants d’un être cher… Le statut de chaque figure, chaque présence est mise en doute. Le flou et le diffus se laissent bercer par une recherche fluide entre l’abstraction et la figuration, entre l’irréel et le réel.

Sous les latitudes étranges d’une inconscience éveillée, le souvenir de Stankova Lilyana exhibe son caractère de « déjà-vu. » Cette douce paramnésie fait de nous le témoin d’une sensation d'avoir vécu la situation peinte. On croît tout reconnaître ; paysage, silhouette, mouvement… L’inconnu se transforme en connu et vice versa. Souvenir d’une vie antérieure ou rêve prémonitoire, l’expérience demeure intime et personnelle.