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Les petites bêtes de Gaston Schnaebelé


Libellule, dessin à la craie noire et au fusain rehaussé de graphite 
et d’encre colorée sur papier, 50 x 70 cm

Il magnifie les mal-aimés, ceux qui grouillent, rampent, bourdonnent et parfois piquent ou mordent… Ces individus d’un monde animal miniature entrainent parfois une peur irraisonnée. Pourtant l’univers plastique de Gaston Schnaebelé leur offre une seconde vie.

Ces petits monstres qui semblent surgir du Bestiaire de Lautréamont ne sont pourtant pas destinés à la métamorphose. Ils sont même reproduits avec un certain réalisme. L’artiste travaille pour cela d’après modèle. C’est l’aspect graphique de l’insecte qui l’inspire avant toute autre chose. Si l’on apprête le regard, on peut distinguer crochets, poils, carapaces, appendices, antennes et pattes d’un papillon de nuit, d’une mouche, d’une libellule, d’un scarabée ou d’une autre sauterelle.

Ces espèces sont présentées sous une certaine alchimie animale qui nous invite à l’introspection, au plus intime de nous-même. Là même où la question du devenir animal, cette angoisse kafkaïenne nous entraîne dans la force de la vie la plus obscure.

L’œuvre possède effectivement un revers spectral ; l’ambivalence d’un monde où l’homme et l’animal ne font qu’un. Dans l’œuvre de Gaston Schnaebelé les insectes se greffent au corps humain pour habiter les mêmes espaces organiques et symboliques. Ce rapport direct à la nature s’exprime de manière mutante, chahutant le rationnel et le mystique.
S’il est une part de l’homme, ou la marque d’une altérité, l’insecte manifeste ici son appartenance dans sa posture.

L’animalité est explorée dans l’indice de la figure. Les rampants, ceux qui fourmillent sur le sol, les cafards des idées noirs, se confrontent aux volants, ceux qui dénués de leurs chrysalides, symbolisent la renaissance, la résurrection après la petite mort.

Sous les arcanes de ce rêve biologique, l’histoire naturelle se raconte en noir et blanc selon une technique mixte ; gravure, peinture, lavis… Seuls quelques éléments de couleurs apparaissent et sont pour l’artiste le moyen d’apporter une touche abstraite à son travail.

Cruciaux pour la biodiversité, à la fois signifiants et inquiétants, les insectes sont chargés d’une valeur symbolique qui fascine les artistes. Les papillons ou les mouches de Damien Hirst, les trichoptères de Hubert Duprat, les sauterelles de Huang Yong Ping, ou les coléoptères de Jan Fabre en témoignent.

Les petites bêtes de Gaston Schnaebelé révèlent quant à elles leur caractère exceptionnel où le sentiment de réalisme et de fragilité des frontières identitaires se décrypte comme un vacillement de l’humain.
La faculté créatrice laisse place à l’intensité de la sensation. Il s’agit d’une « création progressive », le work in progress d’un cabinet de curiosités qui conduit sans doute l’artiste là où il veut, mais aussi là où il ne sait pas.