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Anne Itzykson vers une nouvelle gravité



"Le Baiser" - Bronze – 2000 [H  x L x P: 33 x 20.5 x 49.5]
Animées d’une fascinante sensibilité de la gaité et de la tendresse, ses figures poétiques s’inscrivent dans l’intimité, faisant du corps un espace de recherche. Toujours en quête de mouvement et d’expressivité, les sculptures surgissent avec panache pour se propulser vers une nouvelle dimension sociale.  

Tout est permis pour célébrer la joie, la félicité de l’enfance et de la féminité. Absorbé dans la contemplation de cette sincère plénitude, nous découvrons une palette complexe d’émotions. Car au-delà de l’instant figé, chaque sculpture accède à une présence, une âme qui dévoile les indices d’un caractère. Anne nous immisce dans une quatrième dimension où les sculptures résonnent, nous parlent. Nous discernons le « Fou rire » de quatre femmes assises sur un banc et devinons les mots que le « Petit Malin » ne veut pas entendre en se bouchant le oreilles en riant. Autant de situations vivantes, subtilement vibrantes qui donnent aux figures l’impression d’exister et même de s’exprimer.

"Galipette" - Bronze – 1991 [H x L x P: 20 x 13 x 33]
Dans un autre langage, l’artiste décline des paires de jambes et de pieds de nouveau-nés, une thématique désormais récurrente à la recherche d’expressions sans visage. L’étendue de son geste prolifique rassemble une multitude de sculptures de toutes tailles ; des miniatures, des pièces à plus grande échelle pouvant atteindre le monumental. Un véritable répertoire de formes où l’ordonnancement des gestes fait sens dans un espace de dialogue inattendu. Agencés ensemble, les jeux de jambes semblent se chahuter, se répondre, s'inspirer.

En recherche constante d’un moyen de renouveau, l’artiste se consacre plus récemment à des sujets de société. Elle expose en ce sens des pièces en bronze représentent l’engrenage de la vie. Un homme part pressé au travail à vive allure son enfant dans la poussette. Entrainé dans une course effrénée, il écrase le fil de la vie qui se noue, porté en équilibre par une roue gigantesque en résine colorée. C’est le rouage d’une horloge, l’engrenage du temps qui défile. Anne inclut toujours le mouvement dans ses sculptures mais avec cette série, la trajectoire des corps s’amplifie.

"L'engrenage" – Bronze et résine – 2015 
[H x L x P : 73 x 18 x 62]
Dans le même esprit, « La toile » évoque l’ouverture de l’information et l’attirance magnétique des plus jeunes vers les écrans. Des enfants sont hypnotisés par une toile d’araignée dont l’épicentre est symbolisé par un arobase.
Ces nouveaux paysages narratifs offrent un regard sur l’état d’une situation contemporaine avec un petit décalage entre les attitudes qui se déploient et ce qu’elles nous racontent. Elles ont toutes une histoire et chacune d’entre elles renferme quelque chose, une anecdote, une expression inédite, un secret que le l’on décrypte aux confins de l’intime. Ce glissement entre forme et sens invite à l’interprétation du spectateur et vise son sourire. Les figures toujours délicates nous plongent dans un univers où l’équilibre physique devient polysémique.

De l’œuvre académique à la création moins normative, l’artiste ne délaisse pas son procédé technique parfaitement maîtrisé et sa matière de prédilection ; la terre.  
« La terre est un outil de création pure tellement proche de la chair humaine » explique l’artiste.
Anne travaille des matières multiples ; le bronze, le marbre et dernièrement la résine plexiglas teintée dans la masse pour évoluer vers la couleur et la transparence. Elle fait également dialoguer les matières en combinant le bronze avec le verre soufflé par les grands maîtres verriers de Murano. 
La série Youpi met en scène une petite fille en bronze bondissant sur un gros ballon de gymnastique en verre soufflé. Entre force et fragilité, sous une tension atypique, les deux matières s’imbriquent avec une improbable ingéniosité, comme les deux faces d’une même réalité. Ces sculptures coercitives se déploient comme autant de formes vives selon une paradoxale visibilité, une véritable énigme de la création.

C’est dans cette nouvelle gravité de la composition, dans l’écart des matières et des répertoires, taillé par la pertinence et l’originalité d’un vocabulaire plastique que se situe l’essence de l’œuvre d’Anne Itzykson.