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L’alchimie poétique de Chantal Dufour

Son goût pour la matérialité du support, la couleur, la vibration des lignes et des formes, révèle l’alchimie d’un potentiel à la fois symbolique et abstrait.

Fascinée par les fresques de l’art pariétal, des murs peints et abîmés par le temps comme ceux de Pompéi, l’artiste cherche un effet de relief en travaillant certaines toiles pour y assembler différents éléments tels que le sable, la sciure, le papier de soie, le carton, le plastique ou encore des circuits électroniques, puis les recouvrir de blanc. Après cette première étape, une ligne simple et sinueuse naît en s’inspirant de la surface irrégulière. La couleur vient ensuite.
« La vision de loin du tableau m’intéresse par le mouvement d’ensemble qui s’en dégage, comme d’une carte géographique. »

Ses œuvres se construisent selon un processus logique, presque par elles-mêmes et peuvent s’envisager comme des structures arithmétiques, des jeux abstraits de l’esprit.
« La ligne simple et pure et les écritures mathématiques ont pour moi une beauté formelle et gardent un certain mystère. »
Entre déduction et vision, Chantal Dufour élabore une recherche rythmique à partir de matériaux, de formes, de couleurs et de lumière.
 « La décomposition de la lumière blanche en un spectre de couleurs vives me captive. »

L’oiseau vert, technique mixte sur toile 
(sable, papier, carton, bande plâtrée, acrylique), 73  x 60 cm




La recherche d’harmonie et d’équilibre s’exprime aussi par des éléments figuratifs. Le visage omniprésent ponctue son œuvre. A travers la figure humaine le temps défile, celui de l’Histoire et celui de sa propre vie. « Asexués, jeunes, intériorisés », ses visages sont souvent ceux d’enfants et d’adolescents, mais s’inspirent aussi des totems hiératiques des civilisations anciennes ou sont influencés par des œuvres romanes et de la Renaissance.

L’oiseau est le second élément récurrent, symbole de liberté qui l’a aidée à grandir et s’émanciper.

A travers ces deux éléments figurés, ses œuvres deviennent paradoxalement abstraites et productrices de sens multiples.
Tantôt un visage particulier ou un oiseau constitue le thème central d’un tableau. D’autres œuvres en sérialité se fondent sur l’accumulation de ces pièces fondamentales imbriquées dans une cohorte qui peut sembler infinie, selon un schéma où le regardant lui-même est invité à prendre place.
« Par l’abstraction, par l’enchaînement des formes et des idées selon un art du raisonnement qui procède du même esprit ludique que l’assemblage d’un puzzle, nous pouvons nous concevoir comme partie d’un Tout. »

Sa démarche picturale et son interrogation du réel résident dans ce dispositif systémique. Fondé sur des principes de séquences et de répétitions, il génère de multiples variantes et des résultats très divers. Des différences aussi perceptibles qu’invisibles construisent une œuvre argumentée, emplie de poésie : un monde merveilleux et jamais périmé, qui parle, chuchote et interroge.