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Philippe Pagani, le réel embrumé


Out of Paradise, Huile sur toile – 60x81 – 2014

Philippe Pagani peint à l’huile sur châssis toilé, coloré au préalable généralement sous des tonalités ocres. Il rappelle ainsi délibérément le lien du portrait à la peinture. Le fond est ici un écho du tableau et de l’art du portrait.

Il travaille au pinceau et avec ses doigts. Quelques interventions au couteau se notent pour le raclage et l’insertion d’enduit de peinture avec des épisodes d'essuyage de la toile par endroit à l’aide d’un chiffon, de l’essence térébenthine ou du White-spirit.
Son œuvre, profondément ancrée dans le réel, s’installe dans la poursuite d’une trajectoire née de sa mémoire et de ses rencontres. L’artiste affectionne les scènes puisées lors de voyages qu’il a prit soin d’immortaliser sur photographie comme au Sénégal sur l'île de Gorée. Ce sont des tranches de vie où les personnages de différents horizons se rencontrent, se croisent, vivent ensemble.
Son penchant pour le nu, les femmes en particulier qu’il aime mettre en action, interprète le lyrisme débridé de ses intentions. Il  s’agit de pousser la question de l’intime et du personnel aux confins d’un érotisme retenu mais révélé. 
“Le modèle féminin est inépuisable dans la beauté, la sensualité  des gestes et  les attitudes  qu'il dégage. Finalement le grand mystère de la femme me poursuit, la femme matricielle, qui donne la vie, porteuse d'espoir pour l'humanité...”
Philippe Pagani accroche l’œil tout autant par le sujet que par la modernité de son travail, à la recherche de la forme comme de la couleur.
Autour d’un nuancier restreint, il juxtapose à l’infini les couleurs primaires ; le jaune, le rouge, le bleu.
C’est dans cette relation à la couleur que se trouve aussi l’originalité de sa pratique. La surface colorée et les rapports de ton déréalisent en partie ses figures, les transforment, pour certains angles, sous une élégante touche d’abstraction. De cette ambiguïté de surfaces et de reliefs, un monde prend forme en deçà ou au-delà de la description.
Les scènes sont d’ici et d’ailleurs. Il extirpe mentalement les sujets du lieu sans les décontextualiser, les relie par des lignes et des courbes pour mieux souligner leurs correspondances invisibles. En dépit du mystère suggéré, son trait maîtrisé et maniéré s’inscrit dans la filiation figurative.
Sous la touche bleue dominante, l’artiste est à la recherche d’une sensibilité picturale pure où la couleur est travaillée pour faire réagir l’interprétation et montrer la spatialité des formes.
Indépendamment d'une nette préférence pour cette couleur que l'on peut décliner à l'infini dans ses teintes du plus clair jusqu'au plus foncé,  le bleu clair incarne dans mes tableaux l'espoir, la partie divine de chaque être humain que l'on peut voire baigner dans cette atmosphère qui laisse au passage des trainés  sur chaque individu. Dans mon tableau intitulé Out of paradise c'est justement l'inverse qui se produit car la main retire cette brume bleue pour laisser derrière elle la fuite, les corps torturés des deux habitants de l'Eden.”
Noyée dans la brume, la représentation devient plus incertaine. Philippe Pagani nous place ainsi au cœur de son ambition. Il propose une nouvelle dimension impénétrable qui échappe au mode conventionnel de l’appropriation de l’image. Une certaine distance avec le réel se dessine pour nous livrer sous un fard subtil sa vérité sur les autres.