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Serge Antigny, immersion naturelle

Serge Antigny est un artiste non académique qui en adopte la posture. Il ne se considère ni peintre, ni photographe mais un graphiste qui utilise, monte et imbrique la photographie.

Pour créer ce qu’il qualifie de « photographisme » il utilise le medium non pas pour relater le réel mais pour le redire, le redéfinir.
Son œuvre est un hypothétique terrain d’expression puisé au cœur de la nature, un jeu abstrait jamais résolu entre les images et les références des végétaux et des minéraux. Tout est à regarder telle une destruction et une recomposition des éléments.
« Les végétaux sont très photogéniques, très sensuels. J’aime regarder une tulipe en fin de vie qui dessine ses courbes, la délicatesse des pétales qui tombent, les très belles matières des racines, des écorces… »
Fasciné par la tension entre le visible et l’invisible, par l’altération de la perception, Serge Antigny explore les états modifiés. Le résultat de son montage résulte d’un principe hypno-graphique voire illusionniste.
« Dans l'abstrait rien n'arrive tout seul, ce sont des mots qu'ils faut créer. Il faut construire et composer, c'est un langage comme la musique. Vous faites votre propre tableau avec votre cœur, en l'écoutant. »
Ses expérimentations du motif reposent sur un procédé en trois phases.
Phase 1 : la constitution de la matière première ; une banque d’images réalisée à l’aide d’un Canon réflexe EOS digital.
Phase 2 : la création d’un fond qu’il défini comme un « chemin » avec de photos mais aussi des tissus, du papier froissé, des calques découpés au cutter, assemblés sur Photoshop.
Phase 3 : le départ pour « la ballade en chemin. » Il imbrique ici d'autres photos de
gros plans, incruste, déforme tous les éléments, sans filtres, jusqu'à obtenir « l'instantané d'émotion, un moment très furtif et éphémère qu'il faut saisir pour appuyer sur OK. » 

Eclats de papier 2, digigraphie en 3 ex tous formats confondus. Papier Hahnemüle 310 gr/m2, 70 x 50 cm.

La technique d’accumulation et de superposition laisse une impression de désorientation. Il s’agit de questionner le provisoire et le mouvement. Les images broyées puis restructurées semblent avoir essuyé les effets d’une force centrifuge. L’assemblage aux traits incisifs qui scandent le motif, le brouillage qui efface, laisse présager une impression de tourmente. Le brouillard annonce la tempête. Les accords chromatiques sont délicatement nuancés sous une homogénéité où le gris marbré domine et laisse transparaître les touches plus vives rouges, violacées, bleues.
Les éléments deviennent ou redeviennent visibles sous un équilibre de survivance qui témoigne du sensible de l’artiste.
« Je suis obligé de me dévoiler. Toutes ces créations abstraites parlent, transmettent. J'essaye d'obtenir des paysages intérieurs, du lyrisme, des équilibres, des harmonies, toutes les choses sensibles qui font du bien. Je suis peut-être un abstrait romantique. »
Ce romantique qui vit à l’ère du numérique transforme ses œuvres en expériences sensorielles pour engager le regardeur dans une absorption visuelle. Ses travaux nous englobent comme la luxuriante Nature. Pour faire partie intégrante de l’expérience, il suffit de se laisser happer. L’immersion est d’une accessibilité aussi aisée que surprenante.