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Christine Mathieu, Primitives Figures

Elles apparaissent masquées, muselées, voilées… Certaines semblent dormir, d’autres rêver. Sans regards ni voix, les têtes de Christine Mathieu ont pourtant beaucoup à raconter. 


Les figurines solitaires de Christine Mathieu, au design radical sont impeccablement réalisées. L’artiste utilise une tête en polystyrène, qu’elle recouvre au préalable de plâtre et de feutre. Une forme simple et essentielle apparaît, enrobée de matériaux de prédilection ; perles, épingles, fil, feutre, laine, rubans, fleurs séchées… L’ornement guide son inspiration jusqu’à l’atmosphère ultime. Comme une suite en mutation, chaque tête fabriquée est ensuite photographiée puis détruite pour laisser vivre la prochaine. Aujourd’hui une centaine de têtes ont été réalisées. Si sa pratique sérielle se construit comme une véritable quête du silence, le discours est frontal, laissant émerger de la matière une image mentale bavarde. Imprimées sur papier photo Hahnemühle, un papier mate qui absorbe l’encre, les photographies donnent une impression de texture, une épaisseur chargée de signes et de sens. Les têtes s’imposent dans le cadre photographique comme des personnages affirmés, charismatiques. On est tenté de leur prêté une personnalité, une volonté. Dans un processus d’apparition et de disparition, Christine Mathieu s’emploie à débusquer l’étrange derrière la réalité. Elle s’intéresse à la connaissance de la nature de l’âme et ouvre la voie de « l’inquiétante étrangeté », concept freudien où l’inconscient, le secret, l’intime, l’instable surgit par effraction. Elle tire sa force du monde visionnaire de l’art primitif, art magique. 
« Je m’inspire des statuettes africaines, et d’Amérique latine où les têtes et morceaux de corps sont associés à des rituels religieux. Je dirais que je fais de la magie blanche. Mes têtes sont des objets de rituels qui s’adressent à une partie de nous, inconsciente, ancestrale ; il y a une identification réelle de la part des spectateurs face à l’objet. »


Un fascinant état de tension, d’inquiétude et d’inconfort voire de culpabilité s’empare de nous. Avec cette intention inavouable de libérer les têtes de leurs masques comme de nous débarrasser d’une terreur qui nous encombre. Qui se cache derrière ces visages ? Que nous disent-ils ?Il s’agit toujours de trouver une identité.
« Que reste t-il de nous quand le corps a disparu et qu’il n’y a plus rien ? C’est un travail sur l’âme et ce qui constitue notre identité lorsqu’on a enlevé toutes les couches matérielles et réelles. J’essaye de retrouver l’essence de l’être en dévoilant chaque fois quelque chose de différent.» L’artiste fait parler le Moi profond et atteint le surréel.
« Ma dernière série est vraiment cosmique et abstraite. Les têtes n’utilisent ici que de la laine et du coton. J’ai travaillé exclusivement sur fond noir avec des épingles et du fil blanc. Un réseau de constellations d’étoiles se devine. L’infini de l’être fini par disparaître dans l’infini du ciel. »
Eclatées et totémiques, les têtes de Christine Mathieu fusionnent le rêve et la réalité, le conscient et l’inconscient, révélant la consistance d’une œuvre prolifique jusqu’à l’obsession.

L’artiste participe à Fotonoviembre 2013
12e biennale internationale de photo de Tenerife.