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Alexandra et ses muses

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Sans peur et avec reproche, Alexandra Sans Masso s’amuse avec l’esthétique de l’inachevé. Ses sculptures sont des moulages de bustes féminins qui n’auront pas eu le temps de prendre corps. Avec un figuralisme qui lui appartient et sans convenance, l’artiste a sculpté à l’argile puis moulé à la cire les bustes de deux amies Katia et Caroline. Les poses sont singulières, soigneusement mises en scène. Les lèvres légèrement entrouvertes, les yeux vers le ciel, l’une évoque l’abandon, une lascivité certaine. D’une posture plus détermiée, le regard ferme et fixant, l’autre semble nous juger. Ces muses angéliques laissent émaner quelque chose de doux et apaisant malgré leur traitement écorché. Accrochés tels des trophées taxidermiques, trois visages identiques figent le dernier souffle. Les touches roses et rouges cadavériques rongent et dévorent progressivement les têtes, laissant apparaître une chair à vif, prête à être dépecé sur l’étal de la boucherie humaine. On pense à la Young British Artist Jenny Saville et à la crudité réaliste de ses corps adipeux.
Plus loin, des bobines d’herbes folles se dévident en lignes de fuite comme la chute irréversible des cheveux. Pourquoi ne pas accepter le schéma de la décomposition ?

Sous le poids d’une culpabilité que l’on doit porter comme une lourde sentence, un sceau percé suspendu pèse telle une épée de Damoclès. La guillotine de Louise Bourgeois prête à fendre la maquette de sa très bourgeoise maison de famille de Choisy-le-Roi n’est pas loin. « Mes démons sont mes émotions » affirmait la grande artiste. Comme elle, Alexandra Sans Masso plonge au plus profond de son âme. Elle raconte son art avec le corps pour exorciser sans pudeur ni tabou ses démons inquisiteurs.
“Granada agua oculta que llora” (Grenade eau cachée qui pleure.) Manuel Machado aimait évoquer les canalisations maures ensevelies sous la ville Andalouse par les Inquisiteurs. Sur le mur, des grenades éclatées, jaillissantes d’un bois mort tel le phallus abandonné, sont le fleuve caché d’Alexandra Sans Masso. Une semence miraculeuse dont les graines séchées enfermées et endormies dans leur fruit attendent la reproduction ; celle de la naissance, la création charnelle et artistique, retenue, qui ne demande qu’à s’exprimer.

Le sentiment tenace et maîtrisé de la rancune s’exprime avec une justesse irréprochable. Mais cette installation aux allures de salle de torture, dérangeante, libère pourtant un réel sentiment de liberté. Celui que l’on doit goûter avant d’être pris au piège par l’irréfutable course contre la mort.


Exposition "Auto retret" (auto reproche)
Alexandra Sans Masso est née le 26 septembre 1974 en Catalogne.
"Auto retret" est sa première installation personnelle présentée aux Beaux-arts de Barcelone 2010.
Elle vit à Barcelone et travaille au taller BDN.

1. Consternation de la Rose (2010)
cire de paraffine et plâtre. 35 x 24 x 17 cm, chaque tête
2. T'aimer (2010)

cire de paraffine, red de esparto et plâtre. 34 x 23 x 27 cm
3. Je suis jeté (2010)
                                            
 cire de paraffine, plâtre, carton et rouleaux de paille. 400 x 160 x140 cm
4.  Le traitement  douloureux de la colonne vertébrale (2010)
  cire de paraffine, red de esparto et  plâtre. 60 x 34 x 24 cm